Hormis les 129 avocats installés dans les ressorts judiciaires du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui bénéficient de la disposition légale transitoire contenue dans la Loi portant organisation de la profession d’Avocat qui leur autorise l’exercice de cette profession, ils sont au total 68, Notaires au Cameroun. Une profession qui fait partie d’une panoplie considérée comme des auxiliaires de justice et dont l’activité est étroitement liée au service public de la justice. Chargé de donner un caractère authentique attaché aux actes de l’autorité publique à tous les contrats et actes que les parties veulent ou doivent accomplir, en assurer la date, en conserver le dépôt et en délivrer des grosses et expéditions, le Notaire est au centre des transactions immobilières, contractuelles et conventionnelles.
Officier public tenu de résider dans le lieu déterminé par son acte de nomination sous peine d’être considéré comme démissionnaire et remplacé d’office par le Ministre en charge de la Justice pour défaut de résidence, le Notaire exerce une charge créée par décret du Président de la République, au siège d’un Tribunal de Première Instance ou dans toute autre localité.
Son office est personnel, incessible et, sous réserve des dispositions du Code Général des impôts, insaisissable. Et si le nombre de Notaires restent encore réduit au regard des sollicitations dont ils sont l’objet à travers le triangle national, ils sont nombreux, les justiciables pour qui tous les contours de cette profession restent un véritable mystère. Un mystère dont un pan de voile est levé par les 05 Titres, 09 Chapitres, 10 Sections et 119 Articles qui constituent le Décret n° 95/034 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession de Notaire.
L’accès et l’exercice de la profession
La profession de Notaire peut être exercée au Cameroun uniquement par les camerounais des deux sexes, âgés de 23 ans au moins et de 50 ans au plus. Des camerounais qui se doivent de jouir de leurs droits civiques et politiques et qui doivent être titulaires du diplôme de Licence en Droit ou d’un diplôme juridique reconnu équivalent par l’autorité compétente au moment du dépôt contre récépissé au Ministère de la Justice, d’un dossier en vue de postuler à la nomination à une charge. De plus, le futur Notaire doit obligatoirement justifier d’un stage effectif d’au moins 01 année en qualité de 1er Clerc, pour le cas particulier du Cameroun ou d’un stage effectif dont la durée est fixée conformément à la règlementation du pays du stage. Celui ayant été l’objet de condamnation pour crime ou pour faits contraires à la probité ou aux bonnes mœurs, déclaré en faillite ou mis en état de liquidation judiciaire, tout comme un officier ministériel destitué, un avocat rayé du Barreau, un fonctionnaire révoqué par mesure disciplinaire ou pour faute contraire à la probité ou aux bonnes mœurs, ne peuvent être nommés Notaire. Au Cameroun, c’est par un décret du Président de la République que l’on accède à la profession de Notaire. Un texte qui sera alors notifié à l’intéressé par le Procureur Général près la Cour d’Appel du ressort où il est appelé à exercer. Ainsi notifié, le nouveau Notaire, sous peine de déchéance, a 03 mois pour prêter serment devant la Cour d’Appel, après avoir présenté toute la documentation lui donnant accès à cette prestation de serment. « Je jure de remplir mes fonctions avec beauté, exactitude et probité ; et d’observer en tout, les devoirs qu’elles m’imposent ». C’est en ces termes que le Notaire s’engage définitivement dans l’exercice de cette profession. Une profession qu’il ne peut exercer que dans le ressort du Tribunal de Première Instance du siège de son étude où il a le monopole des actes devant être passés dans la forme notariée. Son monopole s’étend au ressort des tribunaux de Première Instance limitrophes de celui du siège de l’étude et pourvu de notaire, mais compris dans le territoire de la Cour d’Appel du ressort. Il est donc clair qu’aucun notaire ne peut instrumenter hors de son ressort ou passer des actes relatifs à l’état des personnes domiciliées ou des biens situés hors de son ressort. Seule une autorisation du Ministre chargé de la Justice peut permettre à un notaire instrumentaire, de recevoir des actes concernant ces biens, lorsqu’un acte principal intéressant une personne physique ou morale comporte des conséquences juridiques sur des biens situés dans différents ressorts. Il est à noter qu’un notaire peut cesser
de pratiquer après 25 ans consécutifs d’exercice avec honneur et probité, par arrêté du Ministre en charge de la Justice sur propositions motivées du bureau de la Chambre et avis du Procureur Général. Il peut alors obtenir le titre de Notaire honoraire. Ce titre permet ainsi au désormais Notaire honoraire de continuer à jouir des honneurs et privilèges liés à sa profession.
Les aspirants à la profession
Astreint à un stage de notaire de 03 ans, le Clerc de Notaire est l’aspirant au notariat. Il est inscrit, après autorisation exclusive du Procureur de la République, dans le registre de stage, côté et paraphé par le Président du Tribunal de Première Instance compétent. Ce registre est ensuite déposé au Greffe dudit Tribunal à la diligence du Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance du siège du Notaire pressenti comme parrain de stage. C’est auprès de ce Greffier en Chef que le postulant aura préalablement déposé un dossier. Le candidat au titre de Clerc de Notaire doit être âgé de 20 ans révolus. Une fois Clerc de Notaire, une autre étape est à franchir pour se rapprocher un peu plus de la profession de Notaire : celle de 1er Clerc de Notaire. L’accès à ce titre se fait par le truchement d’un examen. Cet examen est réservé aux Clercs de Notaire qui ont effectivement effectué 03 ans de stage conformément à la règlementation en vigueur. Enregistrés par le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance compétent, les dossiers de candidature sont transmis au Ministre chargé de la Justice par le Procureur de la République de la juridiction compétente.
Et c’est le Ministre en charge de la Justice qui organise, au centre unique de Yaoundé, cet examen professionnel comprenant des épreuves écrites et orales dont le programme est fixé par arrêté du Ministre chargé de la Justice, après avis de la Chambre Professionnelle. C’est par ailleurs un arrêté du Ministre chargé de la Justice qui attribue le titre de 1er Clerc de Notaire.
Le 1er Clerc prête le même serment que le Notaire, devant le Tribunal de Première Instance compétent et les mutations de grade dans une même étude ou d’une étude à une autre, reçues par le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance compétent sont autorisées par le Procureur de la République à qui les demandes sont transmises. C’est aussi le Procureur de la République qui exerce la surveillance générale sur la conduite de tous les aspirants au notariat du ressort. Il peut ainsi, dans les prérogatives de l’exercice de sa fonction de surveillant général, prononcer contre tout contrevenant aux règles qui régissent la discipline de l’aspirant au notariat, des sanctions disciplinaires tels le rappel à l’ordre, la censure, la suspension de stage. Pour ce qui est du cas particulier de la suspension de stage, sa durée ne peut excéder une année. Et dans le dossier disciplinaire seront également retrouvés l’audition du Notaire parrain de stage ainsi que l’avis du bureau de la Chambre.
Le notaire et la discipline
Au-delà de ces sanctions qui peuvent intervenir pendant la période de stage, le Notaire, une fois dans l’exercice de ses fonctions sur le terrain, encourt d’autres. Ainsi, outre sa responsabilité civile qu’il peut engager en enfreignant la déontologie qui régit sa profession, le Notaire est susceptible de poursuites disciplinaires sans risque de poursuites judiciaires. Engagées devant le bureau de la Chambre, instance disciplinaire compétente pour les Notaires, et conformément au droit commun sur plaintes des victimes, à la requête d’un syndic ou à la demande du Procureur Général quand bien même il n’y aurait ni victime ni plaignant, les poursuites disciplinaires sont de 04 ordres.
D’abord l’avertissement. La sanction d’avertissement, prononcée par décision du Procureur Général est transmise par ampliation au bureau de la Chambre pour classement au dossier personnel du Notaire. Ensuite le rappel à l’ordre, la censure simple qui correspond à un blâme, la censure avec réprimande qui correspond à un blâme avec inscription dans le dossier du Notaire et la suspension qui consiste à faire arrêter les activités du Notaire pendant une période déterminée d’au moins 01 an et d’au plus 05 ans. Ce groupe de sanctions est prononcé par le bureau de Chambre saisi par son Président, le Procureur Général ou le Ministre en charge de la Justice. La décision de la Chambre peut faire l’objet d’un recours suspensif à la Cour d’Appel par déclaration au Greffe de ladite juridiction dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. Il est à noter que le Notaire suspendu ne peut reprendre ses activités qu’après l’exécution de la sanction. Le remplacement d’office, est prononcé par arrêté du Ministre chargé de la Justice après avis du bureau de la Chambre. Le remplacement d’office s’applique à un Notaire qui ne réside pas effectivement au lieu de sa nomination.
Enfin la destitution. Elle marque la perte de la qualité de Notaire. La destitution est prononcée par décret du Président de la République, après avis motivé du bureau de la Chambre et du Ministre chargé de la Justice. Par ailleurs, des poursuites disciplinaires peuvent être engagées contre le Président du bureau de la Chambre, un membre du bureau de ladite Chambre, des anciens Présidents ou membres du bureau de la Chambre. Ces poursuites seront portées devant la Cour d’Appel du lieu de résidence du Notaire par le Procureur Général. Son action disciplinaire est engagée soit sur plainte d’une victime, soit d’office à la demande du Ministre chargé de la Justice. Il est bon de signaler que à la demande du Procureur Général, le Ministre chargé de la Justice peut, par décision, prononcer l’interdiction d’exercer contre le Notaire poursuivi pour des faits liés à l’exercice de sa profession lorsque la peine encourue est une peine privative de liberté. Cette mesure est levée d’office, dans les mêmes formes, par le Ministre chargé de la Justice en cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquisition. En outre, lorsqu’un Notaire fait l’objet d’une poursuite pénale ou d’une action disciplinaire, le Ministre chargé de la Justice est habilité à prononcer par arrêté l’interdiction d’exercer ses fonctions contre l’intéressé. Cette mesure reste applicable jusqu’à l’aboutissement de la procédure disciplinaire et des poursuites judiciaires selon le cas. Il est également bon de signaler que dès notification par le Procureur de la République de l’acte correspondant, le Notaire frappé d’une interdiction d’exercer, suspendu, remplacé ou destitué cesse l’exercice de sa fonction.
La cessation de fonction
Outre la suspension qui est une cessation temporaire de l’exercice de ses fonctions,
d’autres circonstances peuvent amener le Notaire à cesser ses fonctions temporairement ou définitivement. Pour ce qui est de la cessation temporaire, elle peut intervenir soit en cas d’absence pendant une période de 30 jours au plus sur autorisation du bureau de la Chambre, soit en cas d’empêchement dûment constaté par le Procureur Général, d’initiative du bureau de la Chambre, soit encore en cas de congé annuel accordé par décision du Ministre en charge de la Justice qui en fixe la durée sans que celle-ci puisse excéder 02 mois, soit enfin en cas de maladie ou d’infirmité dûment établie. Pour tous ces cas de cessation temporaire de fonction, le Notaire est remplacé par décision du Ministre chargé de la Justice, par un intérimaire qui peut être un Notaire ou un 1er Clerc. Et si l’intérimaire est absent ou empêché à son tour, après avis du Procureur Général et sur proposition du Notaire de l’étude ou du bureau de la Chambre, il est remplacé d’office, en tant que de besoin, par décision du Ministre en charge de la Justice. Ce remplacement d’office ne peut intervenir qu’au terme d’une gestion provisoire de 06 mois. La gestion de l’intérimaire prend fin à compter de la reprise de la direction par le notaire titulaire.
Pour ce qui est de la cessation définitive des fonctions, elle intervient à l’âge de 60ans. Et c’est le Président de la République, par décret, qui met fin aux fonctions du Notaire. Le Ministre chargé de la Justice désigne, si besoin est et sur proposition du Notaire concerné, après avis motivé du Procureur Général, un intérimaire chargé de l’administration provisoire ou de la liquidation de l’Étude. En cas de décès, le Président du Tribunal de Première Instance du lieu de résidence du Notaire ordonne, toutes affaires cessantes, sur réquisition du Procureur de la République, la mise sous scellé des minutes, des répertoires et tous les registres de l’Étude. Le Président du Tribunal de Première Instance désigne par ordonnance, la personne chargée d’assurer la garde des scellés et de recevoir les archives jusqu’à désignation d’un intérimaire.
Prohibitions et incompatibilités
Fonction incompatible avec celles de membre de toute juridiction, d’avocat, d’huissier de justice, de commissaire-priseur, d’agent d’exécution, de préposé à la recette des contributions directes ou indirectes, d’employés d’une administration publique ou de salarié en général au sens du Code du travail et comme pour tout autre corps de métier, le Notaire ne doit pas se livrer à toute opération de spéculation de bourse, de
commerce, de banque, d’escompte et de courtage, souscrire à quelques titres ou sous quelques prétextes que ce soit, des lettres de change ou billets à ordre négociable. Il est également interdit au Notaire de s’immiscer dans l’administration de toute société commerciale ou compagnie de finances, de commerce ou d’industrie, de faire des spéculations relatives à l’acquisition et à la revente des immeubles à la cession des créances, des droits successifs, actions industrielles et autres droits corporels, de s’intéresser dans toute affaire pour laquelle il prête son ministère, de placer en son nom personnel des fonds qu’il aurait reçu même à condition d’en servir les intérêts. Par ailleurs, le Notaire ne doit pas se constituer garants ou caution à quelques titres que ce soient, des prêts qui auraient été faits par son intérimaire ou qu’il aurait été chargé de constater par acte public ou privé, recourir à des prêtes noms en quelques
circonstances, recevoir ou conserver des fonds à charge d’en servir d’intérêt, affecter, même temporairement, les sommes ou valeurs dont il est constitué détenteur à un titre quelconque, à un usage auquel elles ne seraient destinées. Le Notaire ne doit pas aussi retenir même en cas d’opposition, les sommes qui doivent être versées par
lui à une caisse publique, dans les cas prévus par les lois et règlements, faire signer ces billets ou reconnaissances en laissant le nom du créancier en blanc, laisser intervenir ses clercs sans mandat écrit, dans les actes qu’il reçoit, réclamer pour quelques causes que ce soient une somme supérieure aux tarifs en vigueur. Et si le Notaire exerçant au Cameroun, membre de la Chambre Nationale des Notaires, peut également s’associer à d’autres de ses confrères résidant dans la même ville que lui pour exercer leur activité sous forme de société civile professionnelle tout en demeurant titulaire de sa charge, les émoluments auxquels il peut prétendre à l’occasion de l’accomplissement des actes de son ministère sont fixés par un décret du Président de la République. La restitution des sommes indûment perçues est obligatoire pour tout Notaire qui réclame ou perçoit des émoluments supérieurs aux tarifs en vigueur.