Un divorce pour quelle Procédure ?

Un divorce pour quelle Procédure ?

Il n’y a pas longtemps, le recours au divorce n’était pas courant au Cameroun. Aujourd’hui pourtant, cette pratique est très répandue. Les enquêtes menées par des associations démontrent même que dans certaines juridictions à l’instar du Tribunal de Grande Instance du Wouri, situé en plein cœur de la ville de Douala dans le ressort de la Cour d’Appel du Littoral, entre 25 et 40 dossiers de demandes de divorce sont reçus par mois. Ce qui porte à 32 la moyenne mensuelle des couples en voie de séparation, pour un total de 360 demandes de divorces par an environ. S’il est clair de par ces statistiques que de plus en plus de personnes divorcent, les procédures ou la moitié d’entre elles n’arrivent pas à leur terme. La durée de ces procédures qui oscille entre 01 et 10 ans voire plus, est très souvent pointée du doigt. Seulement, pour les spécialistes, c’est vers l’ignorance desdites procédures qu’il faut se tourner pour comprendre le découragement de ceux qui s’engagent dans le divorce.

« Votre honneur je suis fatiguée, je n’en peux plus. Vous vous rendez compte que la maîtresse de Pierre est venue jusque dans notre domicile conjugal pour me frapper ? Et ce n’est pas tout. Il s’affiche partout avec elle. Tout le quartier la connait comme étant ma coépouse. De plus, Pierre ne rationne plus depuis des mois. Ne remplis plus ses obligations conjugales. Ne dors même plus à la maison. Bref il ne sait pas de quoi nous vivons ses 02 enfants et moi. Je ne peux plus continuer ainsi. Je veux divorcer ».

Cette scène pleine d’émotion, Odette M. l’a offerte devant le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi. A 40 ans, cette mère de 02 enfants a saisi la Justice pour obtenir le divorce d’avec son époux Pierre M. qu’elle ne supporte plus. La dame soutient qu’elle a déjà essayé d’intenter, par 02 fois, une procédure contre son mari en 2015 et en 2017. Elle souhaite alors que cette fois soit la bonne. Si de manière générale dans le droit français 02 grands types de divorces se pratiquent, à savoir le divorce contentieux, et le divorce par consentement mutuel ; au Cameroun 01 seul type est pratiqué : le divorce sanction. Le divorce sanction, en raison des conceptions culturelles qui admettent que la famille est le premier niveau de la société, le socle de l’amour et de l’épanouissement et donc indispensable à la vie de tout un chacun, s’appuie toujours sur une faute pour justifier l’engagement de toute procédure de divorce entre 02 époux.

Et pour ce qui est de Odette M., afin d’avoir la certitude qu’elle arrive au bout de sa volonté, elle doit, au cours de la procédure qui l’attend, s’assurer d’avoir des preuves concrètes et palpables de la faute commise par son époux pour soutenir sa demande. Le divorce sanction est alors considéré comme celui-là qui exige des désaccords ou des conflits importants entre les époux pour être prononcé.

Le divorce sanction

Selon Odette, Pierre son mari entretient régulièrement des relations extraconjugales au vu et au su de tout le monde. Cette dernière peut se voir accorder le divorce si elle en apporte la preuve, l’adultère étant une des nombreuses causes du divorce. En matière pénale, il n’y a pas de distinction entre l’adultère de l’homme et celui de la femme. Si l’un des époux a commis l’adultère, l’autre peut demander le divorce à condition pour elle d’apporter la preuve de l’infidélité de son mari. Le rôle du juge sera donc de se pencher sur les éventuelles preuves apportées par la plaignante pour déterminer s’il y a effectivement faute ou non. Contrairement à Odette M. restée dans son domicile conjugal et à qui on a accordé le divorce pour adultère, d’autre comme Céline V. peuvent obtenir ce dernier parce qu’elles se sont vues abandonnées dans leur domicile conjugal. L’abandon du domicile conjugal intervient donc lorsque l’un des 02 époux a mis fin à la vie commune pendant une période plus ou moins grande en allant s’installer dans un autre domicile. Autrement dit, lorsque l’un des époux ne vit plus sous le même toit que l’autre, et que ce fait est constaté par une personne habileté, le divorce peut être engagé par la partie lésée. Ici, pour la procédure, il faudra encore que la preuve de l’abandon du domicile soit apportée, pour que le juge prononce le jugement. De ce fait, Céline V. devra se munir de son constat d’Huissier et des témoignages qui montrent que Pierre M. son époux a abandonné le domicile conjugal. 

Au tribunal

Si la procédure de divorce peut de prime à bord paraître complexe et angoissante de par les diverses étapes à respecter et les délais parfois longs, reste qu’il est impératif de comprendre son déroulement pour une meilleure approche. Entre le dépôt de la requête, l’audience de conciliation, l’assignation en divorce, les échanges de conclusions et la décision finale du juge, Odette est appelée à traverser plusieurs étapes avant de mettre fin à cette idylle qu’elle voyait pourtant pour la vie. Au Cameroun, la requête en divorce peut être portée au choix du demandeur soit devant le Tribunal de Grande Instance soit devant le Tribunal de Premier Degré, 02 institutions qui sont compétentes pour connaître des questions de divorce. Et c’est le décret n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental, qui établit l’existence des Tribunaux de Premier Degré ou Tribunaux de Première Instance, appelés à connaître les procédures de divorce.

Dans les faits, le Tribunal est saisi par une requête écrite ou orale, et les 02 époux doivent comparaître. Toutefois, le choix du Tribunal de Premier Degré est facultatif, l’époux défendeur au procès en divorce ayant la possibilité d’invoquer l’incompétence de la juridiction avant tout débat au fond. Il faut ajouter que la procédure dans un Tribunal de Premier Degré est gratuite.

Pour ce qui est du Tribunal de Grande Instance, la requête aux fins de divorce est adressée au Président du Tribunal. Le Président ou le Juge délégué par lui, invite les époux à une audience dans son cabinet. Et ce sont le Code Civil, l’Ordonnance 81/002 du 29 juin 1981 modifiée et complétée par la Loi n° 2011/011 du 06 mai 2011 portant organisation de l’Etat civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques, le Code de Procédure civile et commercial qui sont applicables en la matière. La procédure ainsi déclenchée va se dérouler en 02 phases : la phase de conciliation et la phase contentieuse.

La phase de conciliation

En choisissant le Tribunal de Premier Degré, Odette M. s’expose aux débats publics. Le juge au fait de la requête en divorce, convoque Odette et son époux et éventuellement les témoins cités, au jour et heures fixés pour l’appel de l’affaire à l’audience. Odette M. peut cependant, en même temps qu’elle présente sa requête demander au Président de la convoquer avec son conjoint pour tenter de les réconcilier. Cette démarche peut tout aussi bien être faite par le Président du Tribunal. Cette phase devant le Tribunal de Premier Degré n’est ni obligatoire ni automatique. Devant le Tribunal de Grande Instance, la tentative de conciliation est obligatoire. Ainsi, lorsqu’Odette M. présente sa requête au Président, il lui fait des propositions ou des observations pour une éventuelle réconciliation entre son époux et elle. Si la conciliation aboutit, l’action aux fins de divorce prend immédiatement fin. Si malgré toutes ses tentatives le Président ne convainc pas Odette de renoncer à sa demande, il statue sur les mesures provisoires notamment la séparation de résidence des époux, la garde des enfants, la provision ; et l’autorise à saisir le Tribunal pour demander le divorce en bonne et due forme.

La phase contentieuse

Suite à l’échec de la conciliation, Odette, pour la 2ème phase, va assigner son époux en divorce au Tribunal de Grande Instance territorialement compétent. Cette assignation est faite par voie d’Huissier et doit préciser les griefs éventuels reprochés à Pierre M. l’époux. L’assignation à comparaître doit être délivrée dans les 03 mois suivants la date de l’ordonnance de non conciliation. A partir de ce moment, les règles applicables sont presque les mêmes aussi bien devant le Tribunal de Grande Instance que devant le Tribunal de Premier Degré. Pour ce qui est du Tribunal de Premier Degré, après les débats et l’examen des pièces fournies par Odette M., le Président, assisté de 02 assesseurs maîtrisant les coutumes des parties au procès, rend sa décision. Le Tribunal de Grande Instance quant à lui examine les arguments et statue sur les mérites des causes de divorce énoncées par Odette M. Les preuves des manquements et des faits reprochés à Pierre M. devront être apportées et ce, par tous moyens : lettres, témoignages ou autres, du moment qu’elles n’ont pas été obtenues par fraude ou par violence. Les 02 époux sont ensuite convoqués à une nouvelle audience au cours de laquelle leurs avocats vont plaider. Ils ne sont pas obligés d’y assister personnellement. A la suite de cette audience, un jugement est rendu.

Voies de recours

La décision rendue par le juge en matière de divorce peut faire l’objet de 02 voies de recours : l’opposition et l’appel. La loi prévoit que lorsque Pierre ne comparaît pas à l’audience, le jugement peut être rendu par défaut. Devant le Tribunal de Premier Degré, il dispose de 15 jours à compter de la date à laquelle la décision lui a été signifiée pour faire opposition et de 30 jours, à compter de la signification du jugement rendu contradictoirement pour faire appel. Pour le Tribunal de Grande Instance, les délais d’opposition sont de 15 jours à compter du jour de la signification du jugement à personne et ceux d’appel de 02 mois à compter de la signification du jugement rendu contradictoirement. Il convient de noter que la procédure en divorce est plus courte et moins onéreuse devant le Tribunal de Premier

Degré en raison du fait que l’étape de la conciliation des époux est une phase non-obligatoire. Par contre devant le Tribunal de Grande Instance, parce que la conciliation des époux est obligatoire, la procédure se voit rallongée et les coûts plus importants.

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